Le poker n’est pas un jeu de hasard, vient de trancher la cour d’appel de Toulouse, dans un arrêt susceptible de faire exploser les contraintes imposées à la pratique de ce jeu en plein essor en France. La cour d’appel jugeait quatre hommes poursuivis à la suite d’une descente de la division «courses et jeux» de la police judiciaire au sein des locaux de l’association «Club Toulouse Bridge». Il leur était reproché d’avoir organisé des parties de poker ouvertes au public avec gains d’argent à la clé.
Pour leur défense, les quatre hommes ont choisi, non pas de contester avoir organisé de telles parties, mais de plaider que celles-ci n’avaient rien d’illégal puisque, selon eux, le «Texas Hold’Em» ou poker ouvert – la variante désormais la plus courante du poker – permet des combinaisons qui rapprochent ce jeu de celui du bridge. S’appuyant sur une définition des jeux de hasard contenue dans un arrêt de la Cour de cassation de 1891, à savoir «ceux dans lesquels la chance prédomine sur l’adresse et les combinaisons sur l’intelligence», leur avocat Simon Cohen avait plaidé que le poker ne pouvait être considéré comme tel.
Pour en faire la démonstration, Me Cohen avait appelé à la barre trois témoins : un joueur professionnel de poker, un champion de France d’échecs et de bridge ainsi qu’un docteur en mathématiques. Le mathématicien avait expliqué aux juges que la chance ne prédominait pas, que la richesse des combinaisons rapprochait le poker du bridge et que les qualités nécessaires de maîtrise, de ruse et d’opportunisme le distinguaient d’un pur jeu de hasard.
Le champion d’échecs et de bridge avait exposé que les meilleurs joueurs étaient toujours gagnants sur le long terme. «Si vous apprenez le poker et que vous jouez contre moi, vous êtes sûrs de perdre», avait-il mis au défi les juges. En première instance, le tribunal correctionnel avait suivi l’avocat et prononcé la relaxe des prévenus. La cour d’appel a confirmé ce jugement jeudi.
L’arrêt peut encore être attaqué en cassation. Mais, s’il devenait définitif, il pourrait avoir des répercussions sur l’organisation de cette industrie actuellement réservée aux sites en lignes et aux casinos ou cercles autorisés, dit Me Cohen. C’est aussi l’avis du président de la Fédération française des joueurs de poker (FFJP), Antoine Dorin.
«Si jamais demain le poker n’est plus un jeu de hasard, tout le monde peut mettre à sa porte une pancarte « Salle de poker » et organiser des parties. C’est colossal», dit Antoine Dorin à l’AFP. «Quant aux casinos ou aux sites internet, ils peuvent continuer leur activité. Mais pourquoi paieraient-ils une licence pour organiser des parties de poker alors que celles-ci ne tombent plus sous le coup de la loi sur les jeux de hasard ?», ajoute-t-il.
Pour lui, l’arrêt de la Cour d’appel de Toulouse devrait avoir un impact plus limité sur la taxation des gains des joueurs : «Les textes nous disent que les jeux de hasard ne sont pas imposables mais dans la pratique, l’administration fiscale, qui a un accès complet à l’activité et aux gains des joueurs en ligne, considère très souvent qu’il s’agit de revenus réguliers et donc imposables».
Le «Texas Hold’Em» a enregistré un véritable engouement en France à partir de la fin des années 90. Dans un récent rapport, l’Autorité de régulation des jeux en ligne (Arjel) relevait 1 713 000 joueurs possédant un compte actif sur un site de poker en 2012 en France. L’ensemble de ces joueurs a misé 7,5 milliards d’euros.
(AFP)